Portraits de la vie quotidienne de femmes pendant la pandémie.
Utérus ! C’est un peu tiré par les cheveux, mais ce sont majoritairement des femmes qui ont porté à bout de bras cette situation de crise.
J’ai perdu la notion du temps, et des jours, avec le sentiment qu’il n’y avait ni début ni fin. J’allais sur un des sites de soins aigus de l’hôpital à Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds pour la journée, et terminais généralement mes activités depuis mon domicile le soir. Mon activité consistait garantir que les médicaments nécessaires aux patients soient disponibles, en coordonnant la gestion des stocks, l’accessibilité aux médicaments pour les soignants, gérant des commandes dans des quantités totalement inhabituelles. Les problématiques des désinfectants pour les mains ont également touché lourdement l’hôpital, et mobilisé de grosses ressources tant à la pharmacie que pour tout le personnel hospitalier qui a dû s’adapter aux changements imposés par cette pandémie.
Agitée, c’est le moins qu’on puisse dire…
J’ai essentiellement écouté de la musique durant mes trajets entre mon domicile : Émilie Zoé, les frères Volo, Bigflo&Oli… j’ai adapté ma playlist à mes besoins émotionnels, et ça m’a permis d’avoir des fenêtres de déconnexion quotidiennes.
Nos libertés individuelles ont été restreintes durant cette pandémie, pour éviter le pire et protéger les plus faibles ; pour ma part j’étais réellement focalisée sur l’activité hospitalière et la nécessité de pouvoir garantir des soins de qualité aux patients que j’ai peu ressenti les effets de ces restrictions.
Il est resté loin de mes rêves, j’ai suivi les informations à l’échelle Suisse, européenne et mondiale par le biais des journaux et des sites d’information. J’ai trouvé difficile de faire la part des choses, de savoir quelles recommandations suivre et comment concilier les différents messages qui parvenaient de toutes parts.
Je me suis tenue éloignée des réseaux sociaux et du trop-plein d’informations, en essayant de ne centrer que sur l’essentiel, je crois que la seule application que j’ai vraiment utilisée est celle de gestion musicale que j’ai sur mon smartphone.
Mes enfants m’ont manqué, beaucoup. Ils ont pu profiter de la présence de leur merveilleux papa, et je crois ont vécu cette période comme une parenthèse un peu particulière. Comme ils l’ont dit « il est nul ce virus, parce que maman elle travaille tout le temps ». Je crois que nous avons appliqué et expliqué les mesures de protection de manière à ce qu’ils ne développent pas de peurs incontrôlées.
Je me projette mal dans un retour à la normale, pour le moment la vigilance reste de mise et nous sommes prêts à repartir en lutte contre ce virus qui n’a probablement pas dit son dernier mot. Je souhaite en tout cas que cette future normalité soit plus humaine, consciente des fragilités de sa population et des enjeux écologiques qui nous attendent.J’espère que ça ne sera pas un retour à l’avant-covid, mais que nous utiliserons cette expérience pour créer une nouvelle manière de consommer, mais aussi de valoriser les emplois qui sont essentiels au fonctionnement de notre société.
La cohésion et la solidarité. Au sein des familles mais aussi au sein de l’hôpital et de la population. Des mouvements d’entraide se sont créés, dont ont pu bénéficier les soignants mais également les personnes à risque ou fragilisées dans la population. À l’hôpital, si on a beaucoup parlé du « front », c’est l’entier des collaborateurs qui s’est mobilisé, justement par solidarité avec les soignants afin de leur permettre de se consacrer pleinement à leur métier.
Nous devions partir en famille voir des phoques et des oiseaux dans la baie de la Somme, mais ce n’est que partie remise et nous organiserons sans doute ce voyage une autre année.
J’espère que déconfinement ne rimera pas avec empressement, mais que nous saurons garder la prudence nécessaire pour préserver la population d’une seconde vague. À titre plus personnel, déconfinement rimera surtout avec rapprochement, parce que mes proches m’ont infiniment manqué durant cette période : tant par mon investissement au travail que pour respecter les mesures de sécurité je n’ai pas vu les gens que j’aime depuis trop longtemps et j’ai hâte de les retrouver.
Le risque majeur est un retour à l’anormal, à cette société de consommation extrême, qui pourrait même être encore exacerbé par les semaines de restrictions. Nous devons nous interroger sur la manière dont nous prenons soin des plus fragiles d’entre nous, ne pas les laisser retomber dans l’oubli. Notre rapport au politique doit aussi évoluer, ceux dont nous critiquons si souvent les paroles ont dû prendre des décisions extrêmement fortes et – à mes yeux – autrement plus capitales que celles des actionnaires d’une entreprise même brassant des millions. L’humain avant l’argent, l’écologie avant l’économie, voilà ce qu’il nous faudra garder à l’esprit pour éviter de retomber dans les travers qui faisaient notre société avant cette crise.
Je pense qu’il est de notre devoir à tou.te.s de faire en sorte que cela soit rappelé aussi souvent que nécessaire et aussi fort que possible. Nous avons entr’aperçu durant cette crise les conditions de travail auxquelles certaines femmes sont soumises, il est temps de changer cela et de ne plus jamais fermer les yeux.
Qu’à la reprise des négociations pour la CCT Santé, le nécessaire soit fait pour revoir les conditions de travail du personnel de santé à la hausse et non pas une nouvelle fois à la baisse comme lors de chacune des précédentes révisions de la CCT Santé, et que l’initiative pour des soins infirmiers forts puisse enfin aboutir, même si la majorité du parlement a refusée pour des questions financières.
Ma maman m’a rappelé récemment que toute petite, je disais que je voulais devenir « infirmière-Migros-poste », voilà un métier trois-en-un qui révèle bien des métiers essentiellement féminins qui doivent aujourd’hui être revalorisés.
Il nous faudra désapprendre la peur, et renouer avec le vivre-ensemble. Inventer une société différente, dans laquelle les valeurs seront humaines avant d’être économiques.
Merci ! Nous ne vous oublierons pas, si la pandémie aura une fin, j’espère que nos combats ne s’arrêteront pas avant que vous ayez obtenu ce qui vous revient de droit.
Je me réjouis d’une prise de conscience générale de l’importance d’un État fort, de la mise en lumière des métiers fragiles et pourtant essentiels, de la solidarité dontchacun.e a fait preuve durant cette période où céder à la peur aurait été pourtant un réflexe.
Non, on ne lâche rien. Jamais !Chacun.e à sa manière, chacun.e avec les moyens à disposition, il n’y a pas de petits ou de grands engagements, il y a juste une volonté de faire bouger les choses qui doit être entendue.